Derrière nombre de constructions complexes contemporaines, organisationnelles, systèmes théoriques, culturels, institutionnels, politiques ou fonctionnels hautement élaborés, lorsque vous les approfondissez et les explorez, se dissimule souvent, en toute dernière instance, un extra-ordinaire manque de lucidité sur leur commune humanité, sur leur propre fragilité et la portée réelle de leur courage, de certains hommes ou femmes.
A l’école du risque individuel…
Pour s’épargner la peur de leur propre lendemain, pour fuir toute réalité actuelle de sueur, de sang et de larmes, d’aucuns vont user d’échappatoires et de contournements inconscients, au nom du lendemain des autres (individus, groupes sociaux, organisations, société) : ils en projettent la menace dans le futur d’autrui. Menace qu’ils monnaient toujours au prix premier de leur propre réassurance, de la garantie de leur propre sécurité.
Derrière des apparences solides et consistantes, le discours sur le risque, l’exhortation à la prise de risques, vont ainsi rarement de paire avec l’expérience, l’épreuve de la chair et l’exposition individuelle réelle — constante et réitérée, voire cumulative — aux dits risques (danger vital, atteintes à l’intégrité physique ou psychique, pauvreté, misère, exclusion sociale et économique, précarité…). Quand ils ne s’adossent pas à leur complète méconnaissance. Armures d’illusions.
… le sens du risque collectif
Pour ces super-héros et demi-dieux modernes, il est douloureux, intolérable ou impossible de se représenter et d’accepter ce qui fait d’eux des hommes très ordinaires : la peur, la faiblesse, la honte, le doute, le non savoir, inhérents à la condition humaine.
Rendus ou devenus incapables de reconnaître la vulnérabilité qu’ils partagent avec tout autre humain, c’est par inaptitude ou méconnaissance qu’ils pèchent, plus souvent encore que par malveillance ou cruauté. Puisqu’ils sont aveugles à leur propre vulnérabilité, ils ne peuvent pas l’établir en tant qu’objet commun de dépassement : virtualités à surmonter, menaces à combattre ensemble, ultimes défis de la fraternité.
Commentaire sur “Le complexe de Superman tue, mais il ne tue pas le risque.”