L’ordalie, ou « jugement de Dieu », était une forme de procès à caractère religieux qui consistait à soumettre un suspect à une épreuve, douloureuse voire potentiellement mortelle, dont l’issue, théoriquement déterminée par une divinité ou Dieu lui-même, permettait de conclure à la culpabilité ou à l’innocence dudit suspect.
Même vu des yeux d’une agnostique, étrangère à toute confession, séparer les fonctions religieuse, sociale, politique, n’est pas sans aléas.
Je sais que le bâtisseur ne bâtit pas – jamais – seulement du mur. Son ouvrage est élévation, sa matière humaine.
Notre-Dame, muse sans égale, point zéro de toutes routes, embrasse comme ses enfants et élève dans une même grandeur, des obscurs bâtisseurs aux artistes de génie.
Or, muséalisé, le lieu de culte se trouve souvent ramené à une dimension éducative et culturelle ou économico-touristique, où bien des murs ne remplissent plus que la fonction devenue presque utilitariste, mais oublieuse des structures, d’un livre scolaire ou d’un cours d’histoire ou d’architecture ornementale. La foi muséale peine à être une foi vivante. Le chœur n’y porte pas toujours le coeur.
Comment ni n’en extraire, ni n’en abandonner (à des fractions de société) les fondations humaines, sociales, la vocation communielle, développementale, transcendantale ?
Je cherche mon chemin. Où trouver, au détour de chaque route ou bourgade, le lieu d’asile qui ouvre inconditionnellement et gratuitement ses portes au cheminant : au voyageur, à l’égaré, au bouleversé, au miséreux, au migrant, au délaissé, à l’évadé ?
Montrez-moi, s’il vous plait, le libre accès à l’espace de paix, de calme, de méditation, de retrait et de retraite, au milieu de l’agitation de nos villes et du brouhaha de nos vies.
Quel est le sanctuaire qui accueille l’intimité de la pensée et ménage l’unicité du pas et du cheminement, qui recueille la réflexion et offre la réflexivité, en respectant l’intériorité, le dialogue avec le petit soi ou le grand Soi ; là où la fonction moderne ou laïque de guide de l’esprit jongle souvent avec des contraintes programmatiques, curatives et de rentabilité tenant du cahier des charges industriel ?
Derrière l’incendie, il y a tout ceci. Dans la diversité des réactions face au feu qui détruit mais qui peut toujours faire renaître, si l’on veut bien dépasser le doigt accusateur toujours pointé sur l’Autre, la recherche du coupable, de l’indifférence ou de l’opportunisme, il y a les questionnements, l’hésitation, la maladresse des postures et le doute face à ces structures sociétales en perpétuel mouvement, face aux enjeux de ce qui est véritablement à élever. Du point zéro à la reconstruction.
« L’homme, l’artiste, l’individu s’effacent sur ces grandes masses sans nom d’auteur ; l’intelligence humaine s’y résume et s’y totalise. Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon. »
Victor Hugo (Notre-Dame de Paris, Livre Troisième)
« L’amour n’est qu’un feu à transmettre ; le feu n’est qu’un amour à surprendre. »
Gaston Bachelard (La psychanalyse du feu)
Texte initialement publié sur Facebook le 17 avril 2019.