Le rythme est une clé de réussite.
Savoir maîtriser le rythme de développement d’un projet de création ou de croissance est stratégique.
1) « Les cimetières sont remplis de gens irremplaçables » : maxime ô combien vraie, mais que trop souvent l’on ne pense applicable qu’aux autres. Lors d’une création d’entreprise ou d’une phase de croissance, après quelques mois voire 2 ou 3 ans, vous vous retrouvez en enfer : parce que vous êtes Superman, vous maîtrisez tout, avez toujours tout fait vous-même, mais vous êtes le seul sur qui tout repose, et rien ne peut tourner sans vous. Envoyer une documentation à un client qui la demande, honorer une commande entrante, payer une facture, sont à la merci de vos temps et rythmes, lesquels sont ultra-pressurisés. L’entreprise risque l’échec (et vous avec).
2) Les risques d’un emballement trop rapide ou mal équilibré dans le déploiement organisationnel. A l’inverse, vous avez peut-être très vite recruté toute votre équipe et organisé votre sous-traitance : « je ne risque donc pas ce problème » direz-vous. Vous en courez un autre : moins de 10% des start-up réussissent et la cause principale d’échec (voir aussi « It’s not how big it is, it’s how well it performs » via @Marc Lipskier) est une surestimation de l’envergure, principalement humaine, à donner au projet. Ça marche, les premières ventes rentrent bien (celles que vous avez faites en mobilisant tout votre réseau d’amis, parents, connaissances proches et moins proches) donc on recrute : 2, 3, 5, 10 commerciaux et marketers. Et tout ce beau monde se met à fonctionner comme dans une entreprise ayant forci économiquement, et possédant un socle structurel bien plus élaboré. Entre dérive des coûts, de la qualité de production et problèmes de trésorerie, passés l’euphorie des premiers succès qui vous a incité à voir trop vite les choses en grand, le projet risque de ne pas tenir la route à 2 ou 3 ans.
La bonne rythmique de développement repose en grande partie sur la maîtrise de l’organisation des ressources – humaines et sous-traitantes – : question souvent cruciale dans les start-up, TPE et PME, peu habituées à la délégation au sens « normé » du terme et dont les pratiques s’avèrent parfois un peu anarchiques.
Déléguer est un transfert de pouvoirs.
Ce qui suppose la gestion décisionnelle de ce « contrat » de transfert, et son acceptation psychologique.
1) Une délégation se décide, et se négocie. Cela exclut les délégations jamais formalisées, fruits du hasard, d’une appropriation au gré des envies, ou encore d’une demande d’aide présentée comme occasionnelle, et qui se sont approximativement installées comme telles. De telles tentatives peuvent être un bon test préparatoire, mais une délégation s’organise.
2) Maîtriser les ressources mobilisées. Il n’est pas rare de voir la délégation d’un travail se transformer en la mobilisation à même hauteur de 2, 3 voire plus de personnes sur une même activité – avec les dérives de coûts que l’on imagine – : symptôme d’un transfert ayant été mal défini en amont (quoi, à qui) ou resté inefficient dans les faits (vous continuez à faire le travail ou, ce qui revient au-même, à le superviser jusque dans ses moindres détails, souvent par crainte que le délégataire ne soit pas à la hauteur).
Déléguer est un acte de management.
Comprendre ses pré-requis et les processus qu’il doit suivre permet de le réaliser dans les meilleures conditions.
1) La délégation est avant tout un travail sur soi-même : c’est apprendre à faire confiance, à être réaliste et à accepter l’altérité. Si vous n’aimez pas déléguer… abandonnez l’idée de manager. Non, vous ne pourrez jamais tout faire et tout contrôler tout seul. Déléguer demande d’admettre qu’être le meilleur pour faire un travail – si tant est que vous le soyez – ne signifie pas qu’il ne faut pas le déléguer, ni que vous l’êtes toujours quand bien même vous en avez 300 autres en attente (mieux vaut un travail très correctement fait, qu’un travail hors normes… mais virtuel !), ni que sous le couvert d’une délégation toute théorique vous allez pouvoir continuer à faire les choses « en sous-main ». Déléguer c’est faire le choix délibéré de s’accommoder des différences opératoires, et, toutes proportions gardées, c’est accepter l’imperfection humaine de toute réalisation. Votre délégataire, à n’en pas douter, fera quelques erreurs. Vous en auriez fait d’autres. La gestion de ces erreurs, et les leçons à en tirer, font partie du suivi de la délégation.
2) Comme tout projet, la délégation requiert de la méthodologie : définir ce qui va être délégué (ce qui peut l’être sans risques et avec un rapport bénéfices / coûts maîtrisé), savoir s’entourer et bien connaître le fonctionnement et les forces et faiblesses des collaborateurs à qui vous voulez déléguer, fixer le mode de délégation et de contrôle (délégation serrée ou large, critères d’évaluation de sa réussite, etc.), transférer l’ensemble des informations et compétences nécessaires, puis accompagner, faire le bilan et ajuster dans le temps.
Un escalier à gravir.
Déléguer est une démarche de progrès qui, à l’instar de tous vos autres projets, ne doit être mise en oeuvre ni au hasard des saisons, ni trop tôt, ni trop tard.
Conditionnant fortement le rythme de développement de l’entreprise, la délégation doit se mener step by step, en étant en permanence synchronisée à vos autres déploiements (techniques, production, commerciaux…) et à leur degré de priorisation, au risque de prendre du retard ou de l’avance, et d’avoir à monter les marches 4 à 4 dans l’urgence, ou se retrouver sans escalier du tout. Avec à l’esprit, un tempo à trois temps : d’abord identifier la marche suivante, avant d’y poser le premier pied, puis d’y amener le suivant.
Bien gérée, la délégation est un facteur essentiel de maîtrise et de réussite du développement organisationnel, à double titre : en termes d’efficacité et productivité, d’une part, en termes de motivation et de gestion de l’humain, d’autre part.