Mutations sociétales et transformations numériques
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Créer de la valeur : penser « puzzles » et construire « Lego »

Les projets, les sites e-commerce, les start-ups se multiplient : en théorie chacun peut se lancer dans son salon (ça peut marcher aussi dans votre garage, au cas où votre voiture occupe déjà tout le salon :D ).
[br]Je vais prendre le contrepied de ce qui s’entend souvent, de cette facilité apparente : la rentabilité de nombre de sites e-commerce, portails, marketplaces, est un enjeu bien souvent très délicat, a fortiori à court terme.

1) Une brique de Lego n’a que peu de valeur seule. Démarrer petit limite les risques dans l’absolu : par un effet mécanique, puisque les investissements financiers sont eux-mêmes limités. Mais, surtout en B to C, faire reposer des stratégies de moyen – long terme sur ce type de structure engendre à mon sens un niveau de risque secondaire proportionnellement plus élevé : celui de ne jamais créer de valeur.

2) Une construction de Lego fait plus sens : elle est plus créatrice de valeur. Agencement fin et cohésion intelligente peuvent créer et pérenniser un écosystème dont les chances de viabilité sont plus importantes.

  • Valeur non financière, notamment socio-culturelle (communautés, RH, savoir-faire…), donc assemblage plus durable et plus adaptable, y compris en contexte de changement soutenu.
  • D’un point de vue organisationnel, plus résistant aux fractures aussi : un assemblage s’adosse à des redondances et des partages, et est relativement moins dépendant de l’altération ou de la défaillance de l’une des briques.[br]

La valeur naît de la cohérence : le tout vaut plus que la somme des parties. Personnellement je trouve moins risqué de penser en simultané un ensemble qui se tient, plutôt qu’un unique site (service) que l’on espère transformer miraculeusement en manne financière 2.0. Bref, « construire grand à partir de petit(s) » est sensiblement différent de « construire grand en commençant petit ». (l’un est quasi-linéaire, l’autre non)

Inconvénient : il faut probablement aimer les puzzles et les jeux de construction !

1) Avoir une vision anticipée de la façon dont différentes briques d’un éco-système vont pouvoir s’ajuster, échanger, partager, se substituer, etc.

  • Ne voyez plus l’aboutissement comme une super-structure cadrée et pyramidale : les organisations-mammouth n’ont pas de beaux jours devant elles. Pensez puzzle : systèmes fractals, modulaires, podulaires, réticulaires, revoyez vos cours de biologie et les échanges cellulaires ou neuronaux.
  • N’espérez pas élaborer des stratégies sur 10 ans, pas même sur 5 : face au changement accéléré, la stratégie est en train de devoir s’incurver, elle devient plus circulaire que linéaire. Bien plus que la trajectoire cartographiée du bateau, elle n’a jamais été aussi près de n’être rien d’autre que l’esprit de l’eau et du vent.

2) Et avoir (ou convaincre votre environnement !) l’art de la patience, du doute, et du sens de l’équilibre que requiert la construction « brique par brique ». (Vivement déconseillé à ceux qui ont toujours détesté les meccano !)

  • Une brique est cassée, ne fonctionne pas ? Qu’à cela ne tienne : on l’améliore, on teste, ou l’on efface les plans et on remplace par une autre. A puzzle distinct mais compétences égales, les chances de succès et le temps de réalisation d’un puzzle de 2.000 pièces restent toujours sensiblement du même ordre ! En amont, vous pouvez évaluer à quel moment vous l’aurez fini, pressentir sa surface et ses composantes « culturelles » (esprit, couleurs dominantes) et « relationnelles » (quelles pièces vont aller dans quelle zone). Certainement pas définir l’ordre et le minutage dans lequel vous allez placer les 2.000 pièces.
  • Pire. Vouloir tout, tout de suite, tout parfait, et tout conforme à de jolies prévisions micro-détaillées sur le papier, est non seulement une utopie, mais une utopie dangereuse en matière de projets technos (de l’art de construire des usines à gaz) et si l’on envisage déployer une once d’énergie à s’y accrocher, à la vitesse où change l’environnement.

Il faut construire grand, mais surtout pas massif, ni trop structurant : il faut construire ouvert. Développer petit, « agile », mais large et souple, par différentes circonvolutions, différents projets concommitents (on avance en général de front plusieurs parties signifiantes d’un puzzle), adapter les choix d’organisation et de management (confiance, compétence et délégation ne sont pas des mots en l’air), et accepter l’incertitude, l’imperfection et l’incomplétude, en consolidant qualité et cohérence d’ensemble, par itérations, échanges et améliorations continues.

Quels sont vos propres retours d’expérience ? Vous êtes plutôt Château de Barbie ou plutôt garage Lego Factory ? :)

By lumaxart (Working Together Teamwork Puzzle Concept) [CC-BY-SA-2.0], via Wikimedia Commons

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