Lancé jeudi 5 mars, le site faismesdevoirs.com aura fermé dès vendredi 6. Après avoir collecté 80.000 contacts hyper qualifiés en 3 heures et généré l’équivalent de millions d’euros de commandes. Et suscité une levée de boucliers des médias, associations de parents d’élèves, enseignants, etc., dont je trouve qu’elle a parfois balancé entre fausse hypocrisie et vraie ignorance (tant de ce qui existe déjà sur le Web que de ce qui se passe sur les bancs d’une école).
Or on apprend vendredi que fin avril sera lancé JEfaisMesDevoirs.com qui s’annonce une communauté d’entraide et d’échange entièrement gratuite, autour des travaux scolaires entre collégiens, lycéens, étudiants et profs. Succès en perspective si l’on en croit le phénomène viral déjà amorcé autour !
Faismesdevoirs.com est mort, vive JEfaismesdevoirs.com ! Une campagne de buzz réussie ?
En tout cas une démonstration faite à ses anciens professeurs par Stéphane Boukris, qui, diplômé de l’ESSEC et de l’ESCP-EAP, connaissait autant la mécanique du système dont il est issu, que celle du marketing viral.
S’agissait-il donc, comme on l’a lu sur les blogs hier, d’une opération marketing très réussie, matérialisée par une campagne virale délibérément provocante, à l’hameçon duquel les publics concernés ne pouvaient que mordre, pour le relayer sur le Web, la TV et la presse, en vue du lancement d’un autre site, gratuit, celui-ci ?
Non. Les deux projets sont sans aucun lien.
L’explication, obtenue en interrogeant JEfaismesdevoirs.com, par un mail auquel Thierry Debarnot m’a très gentiment répondu, la voici : JEfaismesdevoirs.com est bel et bien un projet communautaire, d’entraide scolaire, amorcé depuis 6 mois, de façon totalement indépendante.
Ses deux initiateurs, Otto (Chauffeur de buzz) et Thierry (Efficaweb) ont eu le génie de situation de rebondir sur le « bad buzz » du fameux site de devoirs payants, pour générer un buzz, que j’espère encore plus fantastique, pour leur projet « d’Education 2.0 ».
La démarche est exemplaire d’une communication bien maîtrisée et plus qu’encourageante pour la suite. Et je ne sais pas pour vous, mais personnellement je trouve que la récupération de l’opportunisme par un opportunisme encore plus fin, est un clin d’œil qui a vraiment de quoi réjouir ! ;)
Vous trouverez toutes les explications sur leurs blogs respectifs : Mkg.me et Chauffeur de Buzz
« You wasted $150,000 on an education you coulda got for a buck fifty in late charges at the public library. » (Will Hunting, played by Matt Damon, in Good Will Hunting)
Le Web regorge déjà de ressources gratuites et payantes : anti-sèches, fiches de lectures, exposés, mémoires pré-rédigés.L’environnement social, la présence d’ordinateur, de livres, la faculté à payer des cours particuliers, à eux seuls, créent la différence.
L’inégalité et la triche n’ont donc pas attendu le Web pour exister. Le monde de demain ne sera plus celui d’aujourd’hui, et les moyens d’accès au savoir (à la donnée) non plus. La question de fond me paraît donc moins qu’on puisse aussi acheter tout cela sur un site, que la simple existence d’effets pervers inévitables à un système qui conditionnerait toute une vie sur la réussite (ou l’échec) à quelques notes et à un diplôme.
De quoi inciter à remettre certains débats sur la table, sur l’égalité d’accès à la culture et aux filières d’enseignement, les méthodes (programmes, devoirs à la maison, usage des TIC …) et modalités de validation des connaissances (contrôle continu, système de notation, validation des acquis professionnels,etc.) Et sur l’équilibre, si délicat à trouver, sinon utopique, entre égalitarisme poussé à son paroxysme et émulation par la réussite sociale et l’argent, les deux ayant pour conséquence principale de niveler soit par le bas, soit par le haut, mais hélas moins de pousser à la démarche personnelle d’apprentissage, d’effort et de connaissance.
Bref, ce buzz aura donné l’occasion de rouvrir ce débat ! Et pour l’orienter dans l’une des directions qu’à mon sens il aura sans doute à prendre dans l’avenir, que pensez-vous comme prochain diplôme de viser un « personal MBA »?!
Car bien au delà d’une « optimisation commerciale » et de la facilité donnée à échanger et payer ses devoirs par SMS, carte prépayée ou Paypal, ce qu’ont décuplé les nouvelles technos, voies ouvertes sur une masse incommensurable d’information « pré-mâchée », ce sont de nouveaux enjeux et de vraies questions sur la notion même de savoir, d’apprentissage, de traitement et d’échange des connaissances, et sur l’autodidaxie et la formation tout au long de la vie.