Mutations sociétales et transformations numériques
Mutations sociétales et transformations numériques

L’entreprise 2.0 est morte, vive l’organisation 3.0 ! Le 2.0 ne révolutionnera pas l’entreprise, mais l’entreprise dans la société.

Rien ne va plus pour l’entreprise 2.0. « La fin d’un cycle » dit Frédéric Poulet, « A déconstruire » pour Frédéric Bascunana, réinterrogé ici par Carnets RH 2.0. On constate ici et là, que l’entreprise 2.0 ne tient pas toujours toutes les promesses espérées. (même s’il faut mesure garder : les études comme celle de McKinsey montrent que performance, croissance, exportations et emplois créés sont en général proportionnels aux investissements réalisés dans le numérique.)

En résumé : ce n’est pas parce qu’on a une jolie boite de pinceaux et de couleurs, qu’on peut toujours produire un Van Gogh, ni même un tableau simplement correct. L’outil ne fait pas l’art.

Et les outils collaboratifs ne font donc pas le 2.0…

(Dans ce qu’on lui prête de collaboratif, de transversal, de flexible et réactif, ce sont la culture d’entreprise, managériale et l’implémentation assumée des process et axes de pouvoir, qui le font.)

A l’heure actuelle, il est certes nettement mieux de les utiliser (avoir un intranet collaboratif pour collaborer, exploiter le canal Web pour vendre, les medias sociaux pour socialiser, etc.) que de ne rien faire du tout.

Mais, pour autant, tout ce qui brille, n’est pas or.  Et espérer des miracles humains et économiques en ajoutant une pincée d’outils collaboratifs et une dose de community management quelque part en bout de chaîne ou en emballage cadeau, sans surtout rien déranger au reste, relève à mon avis de l’optimisme forcené.

Ce serait occulter la question des usages, et celle de leurs bénéfices perçus (pourquoi adopter des usages qui se surajouteraient aux process existants ?). Dans le meilleur des cas, ils le sont donc à la façon d’un élastique tendu, dont la traction repose souvent sur la dépense conséquente d’énergie de quelques uns : dès qu’on lâche l’élastique, il tend à revenir vers sa position initiale.

Aucun changement ne peut être révolutionnaire, efficient et mesurable, s’il n’est voulu et assumé dans *tous* ses tenants et aboutissants par les pilotes de toute organisation, que ce soit à l’échelle politique ou de l’entreprise. Or changer, c’est difficile.

Cela fait des années que je peste contre les agences qui vendent des paillettes 2.0 tout en mettant leurs clients sous dépendance à grand renfort de « mystères du web » et de « baguette magique du community management ». Là où il y a surtout lieu d’avoir un discours honnête et réaliste sur la crucialité de l’enjeu (bien réel), mais aussi sur la « changeabilité interne », et de viser en première démarche intégration d’usages et formation – accompagnement adaptés et hyper-localisés.

Donc comme le résume parfaitement Bertrand Duperrin ici,  « l’équation ‘Entreprise 2.0 = 1.0 + communautés’ est fausse et biaisée ». Et « le problème plus grave que prévu ».

Et le changement de paradigme, alors ?

Le numérique induit un élargissement référentiel, une architecture distribuée… et l’on a pensé pouvoir faire sans. Le numérique a un potentiel transformateur, mais cet effet structurant est bien trop large (l’échelle est sociétale) et bien trop diffusé (il touche chaque point des organisations, chaque individu… bientôt chaque objet) pour être à soi seul héroïque (et ROI-que) dans l’organisation seule, qui resterait en mode statique – autarcique.

Le 2.0 ne révolutionnera pas tant l’entreprise, que l’entreprise dans la société. 

Les routes (terrestres) n’ont changé l’organisation locale que parce qu’elles ont changé l’organisation globale. Les routes numériques, en cela, ne sont pas différentes.

Ce que je qualifie d’organisation 2.0 (ou 3.0, ou ce que l’on veut…) est donc moins l’entreprise 2.0 au sens souvent admis, que la façon dont ces canaux informationnels transforment la société, donc/dont l’entreprise (mais pas que).

Pour moi j’ai tendance à penser que sur les lignes actuelles, l’on se dirigera donc de plus en plus vers ce que l’on pourrait qualifier de BOM (business organization management) : du design organisationnel. Avec comme moteur la créativité et le sens, et comme matériau, flexible et scalable, le cloud computing. [prochain billet à venir]

Nous n’en sommes pas encore là : dans cette vision ce ne sont plus les flux qui se dérouleront dans l’organisation, mais les organisations qui évoluent en continu et s’organisent autour des flux et meta-flux.

Les écosystèmes de start-up ont donc probablement de beaux jours devant eux. Mais du point de vue de l’environnement déjà fortement structuré (celui de l’ETI ou de la grande entreprise, de l’administration, notamment), cela suppose de sortir les yeux (et les cerveaux) du micro-référentiel « organisation » actuel. Et il est probable que le prochain changement à conduire… soit celui des DRH et DSI elles-mêmes !

Je ne peux pas m’empêcher de conclure sur cet bon mot de Fred Poulet :
« Alors… consultants et éditeurs 2.0, dirigeants en temps de crise, vous chantiez 2.0 ?
Eh bien dansez maintenant ;-)
 »

 

Le débat sur Techtoc.tv 

 


Transformation de chooyutshing, sur Flickr (licence CC BY-NC-SA 2.0)

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *